Junior
« Faut pas prendre les photos d’en dessous. Tu vois, on a des grosses narines tout ça. Narines dilatées. »
Quand j’ai perdu mon frère à la plage. J’avais 9 ou 10 ans. On avait un camp. Je dis à mon frère : « je reviens. J’vais chercher -je sais plus ce que j’allais chercher. J’ai dit « Attends-moi ici ». Je reviens, je vois qu’il est pas là. Et j’oublierai jamais, j’ai commencé à le chercher à 14 heures et je l’ai trouvé à 18 heures. Et j’étais en larmes pendant 4h.
Et à côté de ça y’avait ma cousine. Elle me disait « Ouais, ta mère elle va te tuer ». Et à côté, y’avait ma tante, la mère de ma cousine, et elle disait « Ta mère elle va me tuer »
« C’était le côté famille. Quand t’arrivais aux Tilleuls tu savais que voilà. On dirait pas comme ça, mais ici les gens sont vachement soudés. Ils font tout ensemble. Après tu me diras c’est comme dans toutes les cités. Mais c’est vraiment ça qui m’a marqué. Le côté unité de la cité. Ouais c’était cool ça.
« D’avoir réussi à grandir dans une cité dite difficile sans pour autant tomber dans les clichés de la cité : drogue, bicrave, etc. C’est bien. On est des mecs d’ici, on en a vu plein qui sont tombés et c’est pas pour autant qu’on a suivi le mouv. Et c’est souvent ça en plus. Ma mère me dit souvent, oui, regarde ton pote un tel, ton pote un tel qui venait à la maison Et au final on est là, on s’est jamais fait coffré, on a jamais fait de gardave. En tout cas, moi j’en ai jamais fait. »
Franchement, on pourrait avoir la même chose dans des lieux un petit peu plus propre, un peu moins ghetto, avec de l’herbe un peu plus verte et taillée. Dis comme ça, ça fait un peu beauf mais faut pas avoir peur de dire qu’on veut des belles choses, tu vois. Maintenant est-ce que les gens sont capables de garder ça beau, avec de l’herbe taillée, avec des visages un petit plus souriant et moins fermés, à l’image de la street, tu vois ? Moi c’est plus ce côté-là.
Après je dis pas que je veux que le truc ressemble à une résidence blindée de babtous mais… Quand tu vis dans ces résidences blindées de babtous tu ressens quand même ce petit bien-être, cette petite sérénité.
Moi je dis pas que j’étais pas en sécurité ici. Je connaissais quasiment tout le monde, et on a tous grandi ensemble et on se connaissait tous donc il y a pas de problème par rapport à ça mais je pense plus à l’image que les gens avaient d’ici. Les gens de l’extérieur. T’en avait beaucoup qui lorsqu’on leur disait « viens on va aux Tilleuls » ils disaient « Ah non, non non, moi j’vais pas là-bas. – Et pourquoi tu vas pas aux Tilleuls ? Moi j’y vis, j’y ai grandi. – Ouais non mais… c’est bizarre ».
Et justement, maintenant que j’y vis plus, là j’y suis, je vois et je dis Wouh! je comprends pourquoi les gens flippaient en fait. Tu vois des têtes ici tu dis ah ouais, lui là… T’as pas envie de sortir avec ta dernière paire, ou avec ton dernier sac. Et je comprends parce qu’après c’est arrivé souvent, on a déjà vu des gens de l’extérieur se faire racketter tout ça. Mais après ça fait partie du truc. J’ai pas envie de dire que c’est le cliché de la cité, mais ça arrive. Comme ça pourrait arriver dans Paris ou quoi mais voilà. Parce qu’on est dans la street, c’est ce qui ressort le plus. Après voilà hein, c’est vraiment cette ambiance-là, et l’image que les Tilleuls donne que j’aime pas trop. A cause du côté street.
« T’as quoi t’as les ambiances dans la street aussi. Moi je dis pas que j’y ai souvent participé mais quand j’y étais c’était un kif. Et ça, partager ça, genre vous êtes tous ensembles, vous rigolez, machin après chacun rentre chez soi, ça c’était un délire. Après tu me diras les Parisiens, ils font leur petit apéro, tout ça. C’était notre apéro, mais… la street. C’était un délire. Et je pense que ouais, eux ils pourraient pas comprendre ça. Même les matches inter-cité, inter-bloc, ça c’était un autre délire. Et il y avait une vraie rivalité. Mais on était tous potes. »